Voltaire, s’était-il inspiré du Coran ?

8:14 - February 20, 2017
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François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778) est sans doute l’écrivain-philosophe le plus marquant du XVIIIe siècle et le plus éminent de la philosophie des Lumières.
Voltaire, s’était-il inspiré du Coran ?
Avec ses œuvres dominant la production littéraire du siècle et illuminant toute l’Europe, le parisien est connu par son combat pour la tolérance et la liberté de pensée contre le pouvoir injuste et le fanatisme religieux, qu’il nomme « l’infâme », et est surtout connu par son infatigable optimisme contre la bêtise humaine. Le philosophe français suscite tant de louanges et de critiques avec ses personnages les plus remarquables notamment Candide, l’Ingénu ou Zadig. Ce dernier, étant « le Candide du monde arabe », semble faire couler beaucoup plus d’encre. Voltaire se voit alors critiqué, non seulement pour son « offense aux arabes », mais aussi pour avoir « plagié » l’anglais Thomas Parnell (1679-1718), selon Elie Fréron (1718-1776).

Cependant, ce qui fait d’ailleurs l’intérêt de ce billet, concernant Zadig ou la destinée (1748), c’est la question qui se pose souvent chez le lectorat, musulman ou pas, de Voltaire : ce dernier, s’était-il inspiré du Coran dans l’un des chapitres de Zadig ou la destinée, l’Ermite ? Connaissait-il le Coran, en premier lieu ? « Oui, Voltaire connaissait non seulement une, mais plusieurs traductions du Coran, » écrit Pierre Larcher, enseignant-chercheur à l’Institut d’Etudes et de Recherches sur le Monde Arabe et Musulman.

Entre le Coran et The Hermit de Thomas Parnell, faut-il le souligner, il y a plus de 1000 ans d’écart. Ce qui laisse de la place au doute concernant l’allégation d’Elie Fréron qui se vit « dénoncer » le « plagiat » de Voltaire, en l’accusant d’avoir « tiré presque mot à mot d’un original » (celui de Thomas Parnell) en le qualifiant de « grand copiste ».

Dans l’œuvre de Voltaire, Zadig, le héros du conte, n’ayant d’autre vice que la naïveté, il se voit échapper de nombreuses fois à la prison et aux amendes après avoir été jugé à tort. Mais il devient tout de même Premier Ministre du roi de Babylone, il s‘avère être un homme juste et apprécié du roi, jugeant les gens très justement. Malheureusement pour lui, Zadig doit fuir le royaume à cause de son amour réciproque pour la reine Astarté. Et durant sa fuite, et son voyage pour revoir la reine de nouveau, il rencontre divers personnages, dont le plus controversé, l’ermite. Ce dernier, un livre entre les mains, suscite la curiosité du jeune Zadig. Ils échangèrent les salutations. Zadig lui demande quel livre il lit. « C’est le livre des destinées, lui-dit l’ermite ; voulez-vous en lire quelque chose ? » En le tenant dans les mains, Zadig « qui, tout instruit qu’il était dans plusieurs langues, ne put déchiffrer un seul caractère du livre, » écrit Voltaire. Ainsi, le vieil ermite lui demande de l’accompagner. Pendant leur marche, l’ermite vole un bassin d’or garni de pierreries à un homme généreux, pour le donner à un autre homme méchant et mesquin ; il met le feu à la maison de l’hôte philosophe qui les reçoit parfaitement la seconde nuit ; il tue l’unique fils d’une veuve en le noyant, après que celle-ci l’a chargé de les guider dans un passage dont le pont était  rompu. « Zadig ne savait encore s’il avait affaire au plus fou ou au plus sage de tous les hommes, » écrit Voltaire. Cependant, il ne put se retenir encore plus longtemps et le traite de tous les noms. « Vous m’aviez promis plus de patience » se contente de lui répondre l’ermite. « Cet homme magnifique, qui ne reçoit les étrangers que par vanité et pour faire admirer ses richesses, deviendra plus sage ; l’avare apprendra à exercer l’hospitalité, » lui avoue-t-il. « Apprenez que, sous les ruines où la Providence a mis le feu, le maître a trouvé un trésor immense ; apprenez que ce jeune homme dont la Providence a tordu le cou, aurait assassiné sa tante dans un an, et vous dans deux, » ajoute-il.  « Il n’y a point de mal dont il ne naisse un bien, » lui dit-il finalement.

Dans le Coran (s. al-kahf, v. 60-82), c’est la fameuse histoire de Moïse qui est analogique à celle de Zadig. Après que le prophète, accompagné de son jeune serviteur, avait oublié le poisson qui devait leur servir de repas, ils retournent vers leur premier lieu de départ. Ainsi, il rencontre « le serviteur de Dieu », et lui demande s’il pouvait le suivre pour qu’il apprenne de lui « en rectitude » (rushd). Le vieil homme lui réplique qu’il ne sera pas assez patient, mais, devant les protestations de Moïse, il accepte à la condition que ce dernier ne lui pose aucune question jusqu’à ce qu’il l’y autorise. Pendant leur périple, le vieil homme troue un bateau arborant des gens ; tue un adolescent ; et redresse un mur d’une cité dont les habitants lui ont refusé l’hospitalité. A chaque action, Moïse ne pouvant se retenir, il ose le questionner. « Ne t’ai-je pas dit que tu ne serais pas capable avec moi de patience ? » lui répondait le vieil homme (v. 72 et 75). Le moment de leur séparation arrivé, il décide de lui dévoiler le secret de tout ce qui s’est passé : « … Je vais te faire part de ce pour quoi tu n’as pas été capable de patience, » (v. 78) en lui admettant qu’il a endommagé le bateau pour en amoindrir la valeur et le mettre à l’abri de la convoitise du souverain ; il a tué l’adolescent, fils de deux croyants, pour qu’il ne leur impose pas rébellion et infidélité et le remplacent par un meilleur fils ; il a consolidé le mur afin que les deux jeunes orphelins, dont c’est la maison, n’y trouvent pas avant leur majorité le trésor qui est enfoui dessous.

Notons que ceci n’est pas une analyse exhaustive et ne peut être qu’une opinion, simpliste  peut-être, mais ainsi le débat est ouvert.
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